Une expertise territoriale destinée aux élus

Port de signe religieux par un élu lors d’une réunion de conseil

Il est interdit d’interdire !

Un règlement de conseil municipal ne peut pas interdire, de manière générale, aux élus siégeant au conseil municipal de porter une tenue vestimentaire manifestant leur appartenance à une religion. Explication…

Il n’est pas toujours simple de comprendre la notion de laïcité en droit français. Voici quelques-uns des éléments du corpus juridique en la matière :

  • Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (article 10) : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi».
  • Constitution française (article 1er) : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances».
  • Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public» (article 1) ; « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » (Article 2)

Les agents du service public sont tenus au principe de neutralité et ne peuvent pas porter de signe religieux destiné à marquer leur appartenance à une religion. Dès lors, quel sort doit être réservé à un règlement intérieur exigeant le port d’une « tenue vestimentaire correcte et ne faisant pas entrave au principe de laïcité [par les] élus siégeant au conseil municipal » et interdisant donc à ces élus de porter une tenue manifestant leur appartenance à une religion ?

Pour répondre à cette question, le juge a analysé certains textes applicables aux collectivités territoriales, à savoir :

  • Article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales : « Les élus locaux sont les membres des conseils élus au suffrage universel pour administrer librement les collectivités territoriales dans les conditions prévues par la loi. Ils exercent leur mandat dans le respect des principes déontologiques consacrés par la présente charte de l’élu local».
  • Charte de l’élu local « 1. L’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité.»
  • Article L. 2121-16 du même code : « Le maire a seul la police de l’assemblée. / Il peut faire expulser de l’auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l’ordre.»

Il constate tout d’abord que « si la tenue vestimentaire d’un élu municipal provoque un trouble à l’ordre public ou contrevient au bon fonctionnement de l’assemblée délibérante [NDLR encore faut-il être en mesure de le démontrer], il appartient au maire de prendre les mesures strictement nécessaires pour y remédier dans l’exercice de son pouvoir de police de l’assemblée », mais rappelle également que « la liberté des élus municipaux d’exprimer leurs convictions religieuses ne peut être encadrée que sur le fondement de dispositions législatives particulières prévues à cet effet » et non sur le pouvoir de police du maire ou la volonté du conseil municipal.

« Or, il ne résulte [d’aucune] disposition législative que le principe de neutralité religieuse s’applique aux élus locaux ».

Le juge en déduit donc l’illégalité d’un article du règlement intérieur relatif à la police de l’assemblée interdisant, de manière générale, aux élus siégeant au conseil municipal de porter une tenue vestimentaire manifestant leur appartenance à une religion.

TA Grenoble n° 2100262 du 7 juin 2024

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